(Ceci est un article de Carine Anselme paru en mai 2016 dans le magazine Psychologies.)

Les médecines traditionnelles orientales considèrent de toute éternité le ventre comme l’épicentre de l’être. Selon cette vision, le hara (ou tan tien), situé au coeur de l’abdomen, constitue le berceau de notre énergie vitale. Énergie qui, optimisée, nous permet de réaliser notre plein potentiel. La recherche actuelle vient, d’une certaine manière, corroborer cette intuition millénaire. Le chi nei tsang, ce massage subtil – issu de la tradition taoïste chinoise et réinterprété par le spécialiste du tao Mantak Chia – est précisément centré sur l’abdomen. Ce qui ne l’empêche pas de rayonner sur l’être tout entier. Le chi nei tsang, qui signifie « énergie des organes internes », désintoxique et revitalise les organes vitaux via une gestuelle aussi délicate que profonde. Ainsi, il équilibre les émotions et nous libère de nos blocages énergétiques. « Ce soin abdominal s’appuie sur les cinq systèmes majeurs du corps : vasculaire, lymphatique, nerveux, musculaire et énergétique. Ils sont connectés à l’abdomen, où le stress, les noeuds et les émotions contenues peuvent obstruer la libre circulation de l’énergie vitale (chi) dans tout le corps ». Cet océan de l’énergie renvoie à notre ancrage, mais il archive aussi nos émotions, qu’il a parfois du mal à digérer. Le ventre est donc notre centre de gravité… au propre comme au figuré ! Il souffre de vague(s) à l’âme et a la langue bien pendue pour en parler : du coup, il nous arrive d’avoir la peur au ventre et autre poids sur l’estomac. « Les êtres humains savent depuis longtemps ce que la recherche découvre et confirme peu à peu : nous sommes aussi ce que nous avons dans le ventre. Notre moi est une alliance de notre tête et de notre ventre », souligne Giulia Enders, auteure d’un best seller, Le Charme discret de l’intestin. On assiste, de ce fait, à une remise en cause de la suprématie du cerveau. Les nerfs de l’intestin, par exemple, ont de quoi impressionner, tant par leur nombre que par leur singularité. Cet organe a, à sa disposition, toute une cohorte de messagers chimiques, de matériaux d’isolation cellulaire et de types de connexion.non-stop, en secret. Les chercheurs ont également découvert que le ventre produit 95 % de la
sérotonine, qui, une fois libérée dans le sang, agit dans le cerveau, en particulier l’hypothalamus, qui participe à la gestion des émotions. On savait depuis longtemps que nos émotions agissaient sur notre ventre… et voilà que l’on constate que ce dernier est aussi « capable d’influer sur nos émotions », relève Michel Neunlist, directeur de recherche à l’Inserm. Le propos du chi nei tsang est, justement, de libérer l’énergie négative stockée dans nos organes et de la transformer , la recycler…Pendant le soin, l’ abdomen réagit, palpite, vibre, chuinte, bruisse, bouillonne… Il vit. Et se détend. Et cela retentit sur d’autres zones du corps et de la conscience. Les connexions sont évidentes, « palpables » même ! Ce soin fait des ronds dans l’eau de l’être. Paradoxe : l’enracinement ressenti à l’issue de la séance – qui se traduit par plus de stabilité, de confiance, de détermination – s’accompagne d’un certain détachement, synonyme d’un recul bienvenu face aux événements. Morphée, aussi, a eu l’air d’apprécier… Plus de sommeil me permet plus d’éveil.

1. Le Charme discret de l’intestin, tout sur un organe mal-aimé… de Giulia Enders (Actes Sud).

2. Mantak Chia, auteur avec Maneewan Chia, de Chi Nei Tsang, massage chi des organes internes (Guy Trédaniel éditeur).

3. L’Éveil du ventre, et si vous communiquiez avec votre ventre ? de Tifen (Éditions Libre Label).